Après avoir retrouvé sa fonction au niveau de la société Salloise en étant de nouveau affichée et revendiquée, l'exposition de la mémoire se devait de prendre une autre dimension : l'histoire tragique du village des Salles devait devenir son atout, elle devait permettre d'attirer l'attention des personnes extérieures. En effet, le nouveau village, construit en vue d'une activité touristique ne pouvait pas seulement vivre des valeurs loisirs, plage et eau. L'histoire du village des Salles devait se donner à voir aux autres.
Il est certain que la mémoire est indispensable au fonctionnement d'une société, mais aux Salles la mémoire devait également servir à attirer des gens. Car si dans son architecture le village est pratique et fonctionnel pour le visiteur, il n'est pas vraiment pittoresque, comme peuvent l'être Sainte Croix ou Bauduen. Aux Salles il n'y a plus de vieilles pierres et d'après M.C.«Au début le village n'était pas très beau, il n'y avait que des parkings et très peu d'espaces verts». Une fois le village reverdi il a fallu s'occuper de la mise en valeur de son l'histoire. Certes, il y avait bien un musée au syndicat d'initiative mais il était très sommaire et il fallait y aller pour connaître l'histoire du village, les Sallois se sont vite rendus compte que beaucoup de gens qui venaient aux Salles ne savaient pas que ce village avait une histoire particulière. Pour vendre son histoire le village devait lui donner du visuel, les stèles commémoratives et le mémorial ont donc joué ce rôle de marqueur. Mais il fallait également attirer les gens qui étaient en vacances autour des Gorges, on a donc installé des panneaux indicateurs sur la route menant aux gorges, présentant le village : Les Salles, un site, une histoire. Ainsi l'histoire du village est devenu un appât, une sorte de marchandise, qui avait déjà été exploitée par quelques uns : «Ils vont vendre aussi le village : la photographie de l'Eglise en train de sauter, la vue aérienne de l'ancien village ; ces photos se retrouvent un peu partout. Les visiteurs posent une multitude de question, s'apitoient, les Sallois vendent la tristesse et le déracinement.»[Latz, 1979 : p.90]. Mais aujourd'hui je ne pense pas qu'ils aient encore besoin de vendre la tristesse car désormais, le touriste vient aussi pour apprendre des choses sur son lieu de vacances. En fait si la mémoire et le souvenir de l'ancien village sont désormais affichés, c'est aussi parce qu'il y a eu une demande de la part de ces étrangers. En répondant à cette demande le village a permis à la fois de soulager sa population mais aussi de se développer d'un point de vue économique.
En menant différentes actions en faveur de la mémoire, le village des Salles-sur-Verdon est devenu le lieu de mémoire du lac. Et il ne pouvait revêtir d'autre rôle par rapport aux politiques de développement qui avaient été décidées pour l'ensemble du Verdon car ce village est le marqueur physique le plus flagrant dans le Verdon. Sans ce village on pourrait facilement croire que le lac a toujours existé, ainsi sans posséder de vieilles pierres ce village renvoie l'histoire du lac. L'exploitation de sa mémoire et de son histoire est l'orientation qui sera certainement la plus bénéfique pour ce village, qui nous l'avons vu ne tient pas à vivre essentiellement de l'activité touristique. Après avoir joué son rôle de transmission, la mémoire Salloise influence l'avenir du village en permettant à chaque Sallois de retrouver une place dans la communauté villageoise. Indiscutablement aux Salles la mémoire a un rôle plus qu'important pour que le temps puisse continuer de passer.