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Village et société

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Figure9. Les Salles-sur-Verdon aujourd'hui.

Avec la mise en eau de la vallée et la destruction de l'ancien village, le relatif équilibre que connaissait la société salloise a été ébranlé. Dans son étude psychosociologique du village, A. Latz a parlé d'un phénomène d'acculturation («dans la mesure où le lac, corps étrangers à ce paysage à pris toute la place et a donc modifié les fondements sociaux et économiques des Salles»[Latz, 1979 : p.69]) en tout cas pour ceux qui sont restés au nouveau village. Certes, ce terme paraît un peu fort mais il permet de rendre compte des bouleversements qu'a connus cette société dans un laps de temps relativement court. Ainsi, ce n'est pas un simple déménagement qu'a opéré la population salloise au début des années 70 : c'est un changement radical de milieu, de rythme et de mode de vie que ces gens ont effectué. A cela s'ajoute l'intrusion d'une nouvelle économie locale, régie par les lois du marché et souvent téléguidée par des individus qui n'appartiennent pas au monde rural et qui sont en décalage avec les valeurs et les usages de ces sociétés.

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Figure10. Les Salles-sur-Verdon, la croix blanche marque l'emplacement de l'ancien village.

Nous l'avons vu dans la seconde partie, les décisions prises dans la région ont été choisies ailleurs, les populations locales ont dû se faire à ces nouveaux projets, initiés par l'Etat. Au nouveau village on lit à travers son architecture sa fonction programmée. Alors que les Sallois se sont battus pour la pérennité de leur société, ce qui se traduisait par la construction d'un nouveau village, les projets présentés à la population n'avaient pas pour priorité de faciliter les relations entre Sallois. Selon M.G. «Ils nous ont présenté des projets fous à ce concours d'architecte. Par exemple il y en avait un qui voulait faire un village flottant avec des pilotis et tout. Mais bon le village tel qu'il est, ce n'est pas vraiment l'idéal... ». En fait, ce qui importait aux Sallois, c'était de vivre ensemble, de se rencontrer, bref de pouvoir conserver les relations qu'ils entretenaient à l'ancien village. Mais dans le projet retenu, on a fait passer la vue sur le lac avant le reste... Alors que l'ancien village s'était construit autour d'un centre social, la place, qui était un lieu privilégié de rencontres et de collecte d'informations ; le nouveau village est construit en arc-de-cercle, pour que le maximum de maisons ait une vue sur le magnifique paysage. Les gens ne se rencontrent plus. L'espace villageois est boudé et les gens préfèrent rester dans leur maison toute neuve. Selon A. Latz le fait d'avoir construit le nouveau village selon un modèle urbain a engendré une utilisation forcément urbaine de celui-ci. De plus sa position en bordure du lac ne fait plus de lui un passage obligé, il n'a plus cette position de carrefour qu'il avait avant. L'ensemble de ces facteurs a contribué à la transformation des habitudes de la population. Le facteur tourisme quant à lui a également joué un rôle dans le changement des habitudes, alors que les rythmes de vie du village sont adaptés au touriste, les Sallois qui vivaient en bas ont gardé leur rythme de vie d'agriculteur, comme M.A. «Moi en bas j'étais agriculteur alors je commençais mes journées très tôt, je m'arrêtais vers 11H, et je reprenais à 16H jusque vers 20H-21H, et aujourd'hui je fais toujours pareil. Et je ne suis pas le seul, alors il y en a toujours qui se plaignent un peu du bruit, mais bon... ». En fait l'émergence d'un milieu et d'un environnement totalement différents a bousculé les repères et des habitudes qui se perpétuaient depuis des années. D'après M.A. «Au début il y avait quelques vieux qui se rencontraient pour discuter, un peu comme avant sur la place du village, mais aujourd'hui ces petits groupes on n'en rencontre plus trop. En fait ils se sont organisés autour de la salle des fêtes, ils ont le groupe du troisième âge où les hommes jouent à la belote et les femmes elles discutent et apportent des gâteaux, quelquefois ils s'organisent des sorties mais ce n'est pas pareil qu'avant». On pourrait dire que dans l'ancien village la vie sociale était spontanée, les gens se rencontraient parce qu'ils avaient les mêmes rythmes de vie, ils formaient un groupe social homogène et vivant. Dans le nouveau village il n'y a plus un rythme de vie mais plusieurs qui se répondent plus ou moins, tout ceci engendre pour les anciens Sallois des pertes de repères. Alors qu'ils s'étaient appropriés l'espace de l'ancien village, au nouveau les choses sont différentes : ils n'ont plus cette intimité villageoise, l'espace qui leur appartient s'est réduit à leur nouvelle maison, ils ne vivent plus sur la rue comme avant, et en tout cas dans les premières années du village les Sallois n'ont plus de repères. Dans la suite de ce travail j'essayerai de démontrer que des structures «artificielles»ont aujourd'hui pris le relais, et ont permis de donner un nouvel élan à la vie salloise.


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